On a tracé la Route des Vins à bord d’un combi hippie des années 80

Contrairement aux idées reçues et aux légendes urbaines racontées par nos ancêtres de père en fils depuis des générations : non, la France n’est pas le premier pays producteur de vin du monde. Je sais : choqué, déçu. Ce sont en fait nos voisins italiens qui détiennent ce titre et comme ils n’ont pas été qualifié pour la Coupe du Monde, on peut bien leur laisser ça non ? Par contre, l’Alsace, elle, produit à elle toute seule « 18 % de la production française de vins blancs AOP hors effervescents »*. Bref, niveau vin, on pèse. Et ce ne sont pas les paysages dégoulinant de grappes de raisins aux alentours de Strasbourg qui nous dirons le contraire : la route des vins est à nos portes et on serait bien bête de ne pas profiter du décor et du savoir-faire de nos vignerons. MAIS, on ne va pas se mentir : la route des vins, c’est bien. Pouvoir en profiter sans se priver, c’est mieux ! Et pour ça, chez Pokaa, on a trouvé une solution : découvrir les vignobles alsaciens et déguster du bon vin, tout en posant nos bonnes vieilles dégaines dans un magnifique combi Volkswagen. Alors, on vous emmène ?

Le combo vin + combi : un pari réussi

Nous sommes lundi – il n’y a pas de jours pour picoler dans un véhicule de qualitay, arrêter de juger -, il est 13h, il fait beau et chaud et le voyage commence place Grimmeissen. On y retrouve Paul, notre guide pour la journée. Paul a la trentaine, il est souriant et ses yeux pétillants nous donne déjà envie de boire un bon verre de crémant (d’Alsace, évidemment). A ses côtés se tient fièrement le fameux combi Volkswagen à 8 places, couleur vert pomme. Qu’on soit amateur de voitures ou non, on ne peut pas rester insensible à un combi Volkswagen : sorti dans les 70’s, ce bolide est devenu, ces dernières années, un vrai symbole de voyage, d’indépendance et de liberté. Qui n’a jamais rêvé de choper un sac à dos, de le balancer à l’arrière d’un combi recouvert de stickers en forme de fleurs et de partir à l’aventure ?

C’est justement en se basant sur ce fantasme (plus ou moins) collectif que Paul a eu l’idée de lancer, il y a environ un an, un nouveau concept d’oenotourisme convivial et insolite. Ça s’appelle Vino Varlot et pendant qu’il nous conduit, à bord de son combi, vers de nouveaux horizons, Paul nous raconte : « Avant, j’étais commercial pour un vigneron indépendant. En tant que grand amateur de vin, j’avais envie de partager cette passion, en permettant aux gens de prendre le temps de visiter les vignobles autrement. Pour moi, le vin et le combi on en commun d’offrir à la fois un peu de voyage et beaucoup de partage : c’était donc logique que je combine les deux. » Un concept convivial et insolite, donc, mais également unique dans le coin ! Car si il existe beaucoup de manière de découvrir la route des vins alsacienne (en voiture, à vélo et même en petit train), Paul est le seul à proposer le combi comme moyen de locomotion pour arpenter les vignes !

Au fil de nos discussions, la Cathédrale et les bruits de la ville s’effacent doucement pour laisser place aux paysages viticoles bercés par le soleil. Un petit vent frais ébouriffe nos cheveux à travers les fenêtres ouvertes, les copains discutent et rigolent bien installés sur leurs sièges en cuir et un sentiment de « lâcher prise » commence progressivement à s’installer. Ce n’est que le premier jour de la semaine et nous ne sommes qu’à quelques kilomètres de Strasbourg et pourtant, on a l’impression de partir en vacances. Ça doit être ça, l’effet combi ?

Paul nous explique ensuite le programme de l’après-midi : nous allons rencontrer deux vignerons indépendants et déguster pas mal de vins. Et le groooos avantage du combo vin/combi c’est que, en plus d’avoir l’impression d’être dans un clip des Beatles, pas besoin de désigner un Sam ou de cracher après chaque dégustation : c’est Paul qui conduit, donc tu peux picoler sans soucis, il prendra bien soin de te ramener sain et sauf dans ton lit.

Entre deux verres, de belles rencontres

Premier arrêt : le domaine Roland Schmitt, à Bergbieten. Sur place, c’est Bruno qui nous accueille, un sourire au coin des yeux. Derrière son bar, il nous sort une à une les différentes bouteilles issues de son vignoble de 10 hectare, tout en nous racontant la belle histoire de famille qui se cache derrière. Ici, le vin bio est à l’honneur et plus de 50 000 bouteilles sont produites chaque année. Pour la petite histoire, obtenir le label bio dans le secteur viticole n’est pas une mince affaire puisqu’il faut répondre à un certain nombre de critères.

Il nous fait goûter du Riesling, du Pinot Gris, nous fait redécouvrir les plaisirs d’un bon Sylvaner et nous gâte avec un Gewurztraminer Grand Cru desa collection. Je note au passage que les étiquettes des bouteilles sont signés aux noms de Roland, Anne-Marie, Julien et Bruno. Cela conforte mon impression d’être tombée dans un vignoble familial et convivial. Et Bruno me le confirme juste après, en nous résumant ainsi sa philosophie : « Pour savourer du vin, il faut un copain, un saucisson et si tu fini la bouteille, c’est que le vin était bon. » Il nous parle aussi des hauts et des bas de la viticulture : le climat, l’incertitude des récoltes, la bonne entente entre les vignerons indépendants du coin, la bonne volonté des bénévoles, qui viennent filer un coup de main pour les vendanges, « Heureusement qu’ils sont là ! » nous confie t-il en rigolant.

De retour dans le combi – avec quelques grammes d’alcool en plus dans le sang – on fait le debrief de la rencontre avec Paul. Il nous explique au passage que les vignerons que nous rencontrons aujourd’hui ne sont pas ceux que vont rencontrer ses passagers de demain : « J’essaye toujours de proposer un voyage spontané. Il n’y a pas de parcours prédéfinis et en général, je ne précise pas les horaires de retour » dit-il en souriant. En tout cas, de notre côté, c’est clairement validé. « Mon objectif, ce n’est pas simplement d’attirer les touristes : j’aimerais pouvoir embarquer avec moi les jeunes strasbourgeois curieux pour leur faire découvrir ou redécouvrir leur territoire ! ». Un territoire viticole qui a, au passage, été qualifié d’exemplaire par le journal Le Monde.

Et pour prouver qu’il joue à fond la carte de l’adaptation, Paul propose pas mal d’options : si l’aventure vous tente, vous pouvez réserver le combi pour une demi-journée (80 euros par personne) ou pour la journée entière (140 euros par personne). Mais vous pouvez également privatiser le combi si le coeur vous en dit ! Le bail parfait pour les enterrements de vie de jeune fille / garçon ou pour des bonnes virées entre copains. Pendant la saison hivernale, Vino Varlot propose également des visites de marchés de Noël alsaciens, toujours en combi.

Deuxième arrêt : la Maison Lissner, à Wolxheim. Pour la seconde fois de la journée, c’est un Bruno qui nous accueille. Ce Bruno là est à la tête du vignoble de son oncle, Clément Lissner, depuis 2002. Et pour le coup, on s’apprête à découvrir un domaine vraiment pas comme les autres : ce n’est pas une simple dégustation qui nous attend, mais un vrai cours de philo. Bruno fait en effet parti des 2 vignerons du monde à exercer une « viticulture sauvage ». Le spécialiste en agroalimentaire définit ce concept comme étant une gestion de son vignoble « sans aucune intervention de l’homme sur la culture du raisin ». Pour lui, l’essentiel est « d’écouter le terroir et les collines pour que la chaîne du vivant fonctionne ». Autrement dit, Bruno n’utilise aucun autre traitement ou outil que sa connaissance pointue de la nature et sa confiance envers le cycle naturel de la vie.

Un pari aussi fascinant que risqué, puisqu’une majorité écrasante de vignerons utilisent aujourd’hui des machines et des produits chimiques : un moyen évidemment moins naturel mais plus sécurisant pour assurer une bonne récolte tous les ans. Mais pour Bruno, le rendement à l’année n’est pas la priorité : il préfère « soigner ses vignes en ne les rendant pas malade, en s’insérant simplement dans les rouages du vivant, qui fonctionne très bien sans nous ». Après nous avoir montré des photos de ses vignes qui ne ressemblent en effet à aucune autres (les herbes y poussent dans tous les sens, on y trouve des papillons, des champignons et tout un tas d’autres jolies choses), nous passons à la dégustation. Et là encore, grosse surprise : les vins que nous goûtons sont vraiment atypiques et ne ressemblent en rien aux vins « traditionnels ». En entendant cette remarque, Bruno est ravi : « Mon vin n’est pas comme le vin qu’on appelle « vin ». Pour moi, un bon vin c’est un vin qui interroge, qui doit te questionner. S’il n’a pas cet effet, c’est que j’ai raté mon coup. » La longue conversation qui a suivi cette dégustation a clairement prouvée que Bruno n’a pas raté son coup.

Au total, notre épopée en combi aura duré 5 heures. 5 heures dans un petit monde parallèle, parfumé par l’odeur du vin et loin du quotidien. Le silence tranquille qui plane au dessus du combi alors que nous prenons la route du retour en dit long sur cet après-midi : nous sommes tous conquis (et un peu bourrés, aussi). Pour ma part, j’ai eu l’impression d’être dans le bus magique (transformé en combi) et de suivre Mlle Bille-en-Tête (brillamment interprété par Paul) dans une aventure viticole à la fois ludique et instructive. J’en garderais un très joli souvenir. Et si jamais, vous aussi, ça vous titille les papilles d’aller déguster du bon vin en combi, un seul conseil : allez-y !

*selon une étude du Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace datant de 2015