Clybee, la photographe qui sublime les corps nus des strasbourgeoises

À la ville, elle est Émeline, étudiante de 23 ans en master d’anglais qui se destine à l’enseignement. À la scène, elle est Clybee, photographe de nu, et de talent, qui sublime les corps des strasbourgeoises… Rencontre avec une femme autodidacte qui aime les femmes libres. Âmes sensibles à la nudité s’abstenir !

Ta première rencontre avec le médium photographique…

C’était il y a cinq ans, en découvrant le travail de Chill. J’ai eu la chance de le rencontrer dans mon cercle familial, il m’a parlé de ce qu’il faisait, j’ai voulu en voir plus et ça m’a beaucoup plu. J’ai été vraiment happée par cette intimité pas gênante, à la fois frontale et subtile. Alors j’ai emprunté un bridge à mon père pour essayer, puis mon amoureux de l’époque m’a offert un boitier argentique. Et c’était parti ! De façon générale, j’aime bien essayer des trucs. Ça me plaît, j’essaie et on voit.

Une photographie de Chill

Ton style…

Au départ je photographiais un peu tout et n’importe quoi. Le but, c’était de me faire la main. Chill m’a montré les bases. Les réglages, les astuces, les retouches… Et puis il m’a laissée me débrouiller. « C’est en jouant qu’on apprend. » Je me suis mise au nu quelques mois seulement après avoir commencé cela dit, inspirée par ses images. À nouveau, j’aime et je me demande ce que ça donnerait si j’essayais, et donc j’essaye. J’ai fait une première séance avec ma meilleure amie, et ça a été une révélation. Je me suis surprise à me sentir très à l’aise dans cette situation inhabituelle, avec la nudité, dans l’intimité. Alors j’ai continué et j’ai publié ces images plutôt que d’autres parce que… Force est de constater que c’est ce que je fais le mieux.

Ta madeleine de Proust…

Ce que j’aime ce sont les détails, les singularités. J’aime la délicatesse d’une clavicule, la force d’une main, la douceur d’une bouche. J’adore montrer les marques sur la peau et ce genre de détails qui ne sont pas supposés être montrés. Ça m’émeut.

La question du militantisme…

À force, c’est devenu un travail militant, oui. J’ai envie de briser les codes, de montrer quelque chose de différent de la norme. C’est une tentative de réappropriation du corps féminin. Ça me vaut d’être interrogée sur ma sexualité par DM, on me demande souvent si je suis homosexuelle. Mais non, je crois qu’on peut apprécier la beauté d’une femme sans vouloir la posséder relationnellement ou sexuellement.

J’ai envie de sortir des sentiers battus. En ce moment beaucoup d’hommes photographes prennent des filles sublimes, les emmènent dans un lieu arty et capturent ça. Ça donne de beaux portraits mais parfois, c’est quand même un peu vide de sens. Cela dit même si j’essaie d’être dans un effort conscient de diversité je choisis peu avec qui je travaille ; je pars du principe que je n’ai pas de critères, j’accepte tout ! Je n’ai jamais d’objectifs pour une séance, si ce n’est de faire de belles images, peu importe qui j’ai en face. On va jouer, se découvrir et découvrir ensemble ce que ça a donné à la fin. On se révèle l’une à l’autre, elle me montre sa nature et je lui montre la nature de mon regard sur elle. Donc pour moi, on est aussi nues l’une que l’autre, et il n’y a aucune instrumentalisation possible.

La question de la réception…

Jusqu’à récemment, comme j’étais encore assez discrète, mon travail était surtout connu du cercle très bienveillant de Chill et des modèles… Mais dernièrement, ça a commencé à changer. J’ai reçu ma première dick pic ça m’a rendue folle. J’ai aussi beaucoup de mecs fétichistes des pieds mais eux sont plutôt polis, ils cherchent juste un moyen de satisfaire leur préférence de niche. Ça commence à venir avec la visibilité et ça m’énerve, j’essaie de me distancier mais j’ai quand même envie de répondre, pour remettre les choses en place. Après je zappe vite. C’est la loi des réseaux sociaux : on passe rapidement à autre chose ! Mais j’ai toujours peur pour mes modèles. Pour le dire clairement, je ne veux pas qu’on se masturbe sur mes photos, parce que je n’ai pas le sentiment que c’est porno ni même très érotique. C’est un travail sur le corps, et on en a tous un.

Tes envies…

En ce moment j’ai envie de photographier des hommes. Je trouve le corps masculin beau aussi, mais j’ai trop peu l’occasion ; les modèles ne sont pas nombreux et j’ai du mal, je les transforme toujours un peu en femmes dans les poses et les attitudes que je capture… J’ai aussi envie d’élargir le spectre de physiques que je montre parce que même si je parle de diversité j’ai parfois l’impression de reproduire les normes que je veux combattre. Mes modèles sont en majorité jeunes, minces, blanches… Et puis il y a l’image. J’ai envie de photos plus contrastées, de jeux d’ombres et de lumières. Je pense aussi à essayer le flash pour des choses plus frontales, et de reprendre l’argentique de temps en temps. La photo pour moi c’est ça, c’est un jeu. J’aimerais que ce soit un truc plus important dans ma vie et en vivre d’une certaine façon, mais il ne faut pas oublier le plaisir.

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