Aujourd’hui, Instagram est LE RÉSEAU SOCIAL qui ne cesse de grimper. Sa popularité est au plus haut et son modèle est devenu rentable au contraire d’autres comme Twitter. Comme pourrait le dire ce gars-là, mon ami Jacques, « si à 20 ans on n’a pas de compte Instagram, on a raté sa vie. » En octobre dernier, entre deux articles sur un restaurant de saucisses et un festival de musique, Pokaa tombe sur un mystérieux compte joliment nommé « quinzeheurescinquantesix ».
En description le compte indique : « Une photo prise à 15h56, tous les jours, pendant un an ».
Instagram, instantané : simple. Faire vivre l’instant présent par une photo : basique.
C’était le but premier d’Instagram, partager des photos sur le vif ; mais depuis 2010, des milliers d’influenceurs et de blogueurs ont remisé cet instantané au placard, lui préférant des contenus réfléchis et fabriqués à l’avance pour créer la plus grosse audience possible. Mais il semblerait donc que des individus résistent encore et toujours à l’envahisseur.
Ainsi depuis le 1er janvier 2017, « quinzeheurescinquantesix » a partagé son quotidien à près de 650 followers. Le 13 janvier, on apprend qu’un gâteau est en préparation, le 20 octobre que c’est le jour des courses, ou encore que « quinzeheurescinquantesix » possède un chaton (plusieurs posts en juin).
Car au fil des jours, c’est son intimité qui se dévoile. Une intimité certes distillée volontairement, mais d’une manière contrainte : à 15h56 la photo doit être prise et postée. S’ouvre alors un univers à part, la vie d’un monsieur/madame tout le monde de Strasbourg, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines. Entre deux trajets en tram, un homme apparaît dans son lit, ses cours sont ponctués de discussions entre amis et de préparation de repas. Les photos sont parfois floues, prises en cachette lors d’un cours de yoga ou dans un musée. Après un jour en festival et un autre devant Game of Thrones, c’est un lit d’hôpital qui se dessine sur l’écran. Mais la vie suit son court, imperturbable, jusqu’au 31 décembre où sous deux sarcophages égyptiens trône la mention « c’est la fin ! ».
Derrière les 365 photos, se devine une patte féminine. « Avec ce protocole de poster une photo par jour, je m’engage en quelque sorte à exhiber un instant de ma vie quotidienne. Mon profil est anonyme car je voulais qu’il soit l’inverse d’un compte Instagram qui souvent tente d’enjoliver la personne derrière le compte ». Et en effet, jouant jusqu’au bout la carte de l’anonymat, elle refusera par message de me donner le moindre indice quant à son identité.
« 15h56 » m’explique ainsi qu’elle voulait s’ « imposer un protocole quotidien. Je prends une photo chaque jour, à la même heure. Elle peut être belle comme banale et floue, mal cadrée, mais elle est prise sur le moment ; et chaque photo peut être un potentiel indice sur mon identité »
Une identité cachée à l’heure du grand déballage. Mais la réflexion est ailleurs. Dans notre rapport à la temporalité, dans notre rapport aux autres, sur notre vie virtuelle et notre société de l’hyper information. Que choisir de montrer ? Que choisir de partager ? Quand des hôtels aux Maldives tentent de vous attirer grâce à un personnel formé pour prendre les plus belles photos Instagram de votre couple, « 15h56 » vous rappelle l’envers, le réel.
Je ne voudrais pas trop en rajouter sur les éléments que l’on peut apprendre d’elle au travers des photos. La découverte est au final très personnelle et troublante, vécue avec ce sentiment de s’introduire là où l’on ne devrait pas, dans une dimension que chacun de nous se réserve et jamais ne partage dans son intégralité. Mais s’en dégage une espèce d’addiction, un certain voyeurisme pour la vie de cette inconnue que l’on apprend à connaître malgré nous. Et si 15h56 ne préfigurait que le futur ? Un miroir noir de notre société, un futur déjà présent partout, ultra connecté et de plus en plus intrusif.
« Les photos, c’était mon projet pour 2017. Pour cette année je fais une vidéo tous les jours, une minute plus tard, avec l’intention d’en faire un film sur mon année. »
D’autres pièces du puzzle de sa vie à assembler. 15h56 est mort, vive 15h57. L’intimité est morte, vive le voyeurisme.
>> MATTHIEU CAILLAUD <<
Découvrez d'autres contenus intéressants:
- Les 10 terrasses (rooftop) les plus surprenantes de Strasbourg
- Les Secrets des Grands Express, le restaurant qui fait voyager dans le temps
- Musées gratuits à Strasbourg le premier dimanche du mois
- Ils sont nés à Strasbourg et sont devenus célèbres
- 6 activités pour s’envoyer en l’air autour de Strasbourg
- Orangerie, entre villas d’ultra-riches et logements sociaux (Photos)
- La boutique la plus kawaï de Strasbourg ouvre bientôt
- Les 10 nouvelles franchises qui s’installent bientôt à Strasbourg
- Les 10 spots pour Ken sale à Strasbourg en plein air
- Université du Reich, quand la fac de Strasbourg portait les couleurs nazies