Guide de survie pour les Alsaciens en voyage dans la « France de l’intérieur »

Trois ans que moi, la petite Alsacienne, j’ai pris mes cliques et mes (clic-)clacs pour découvrir le vaste monde… OK, pour découvrir le Grand Ouest, pour commencer (il y a un début à tout).

Trois ans que je me farde remarques et blagues ou que je livre boulettes sur boulettes dans certaines régions. Alors, stop : c’est décidé, j’arrête tout, je m’assois et je fais un petit résumé des « à faire » et des « à ne SURTOUT pas tenter ».

Un petit guide à l’usage de ces fous d’Alsaciens qui décideront, un jour, d’enjamber la ligne bleue des Vosges et de se retrouver dans cet endroit terrifiant que nos mamemas appellent, la lèvre tremblante : « la France de l’intérieur ».

Prononcer le « o » de « oui »

Mes pauvres, vous ne vous en êtes pas encore rendu compte ? Prononcez « oui » à voix haute pour voir. Allez-y. Rien ne vous choque ? Le « o » n’aurait-il pas mystérieusement disparu ? Nous tous, en Alsace (et dans tout le Nord-Est d’ailleurs), on sait bien qu’elle ne sert à rien, cette lettre. Et puis, ça fait faire de la gym à la bouche, on est quand même pas là pour faire du sport !

Mais les Autres sont un peu tatillons là-dessus. Et n’hésiteront pas à se moquer de votre prononciation pour « swing », « week-end » ou « whisky ». Eh oui : si vous voulez vous fondre dans la masse dans la France de l’intérieur, va falloir prendre des cours de gym de la bouche.

PS : dans le même genre, ne prononcez JAMAIS le « t » de « vingt » devant les autres. On sait tous ici qu’il faut bien qu’il serve à quelque chose, ce brave « t », et que « vin » et « vingt », c’est pas la même chose, ouhlà non. Mais, histoire de se fondre dans la masse, oubliez cette lettre un petit moment (mais n’oubliez pas de vous la remémorer à votre retour, sinon plus personne ne vous comprendra).

Ne jamais se moquer de leurs noms de villages

Vous connaissez l’expression : donner le bâton pour se faire battre ? Bah c’est exactement ça. Vous aurez beau démontrer par A+B-C=D+E que Scharrachbergheim, c’est logique voyons, heim = la demeure, berg = la montagne/colline et Scharrach = le nom de cette colline, donc que c’est le village de la colline du Scharrach (par contre, « Saint-Jean-le-Vêtu » ou « Simplé », on sait pas trop où est la logique), on vous dira toujours : « Les noms de villages alsaciens, c’est compliqué. »

Ne gaspillez pas votre salive. Hochez la tête et changez de sujet. Ou alors, pour les plus braves, prononcez « oui ». Mais avec le « o » (oui, on sait, c’est compliqué).

Par exemple, Handschuheim, c’est la demeure des gants (par contre, si on vous demande pourquoi, il est temps de changer de conversation). Crédit : DR

Racing = Racing Club de Strasbourg n’est logique que pour nous

En Alsace, quand on parle du Racing, on sait tout de suite qu’il s’agit des footballeurs évoluant à la Meinau. Ailleurs, c’est un peu plus compliqué : il y a le Racing Métro, le Racing Club de Lens…

Et, il va falloir être courageux, mais il faut quand même que je vous le dise : le monde ne s’est pas encore rendu compte que le RCS était l’un de ses plus grands clubs de ballon rond. Je sais, c’est dur. Mais ça viendra. Peut-être. Un jour.
Le RCS en national 051

Vous en connaissez beaucoup, vous, des clubs qui ont fait une fiesta de dingue parce qu’ils étaient remontés…en Nationale ? (photo de 2013)

Non, on ne dit pas « service » quand quelqu’un dit « merci »

Il n’y a que dans l’Est qu’on entend ça. De même, « comme dit » n’est hélas pas du bon français, mais une traduction d’une expression allemande. On évitera aussi d’employer les mots « tirettes » (on dit « fermeture éclair ») ou le verbe « pschitter », qui, quoi que d’une logique imparable, n’ont pas encore percé au-delà des Vosges.

Ne demandez pas des choses qui n’existent pas

Image 100% clichés et 100% véritable, prise à Kaysersberg.

Pas la peine de demander une Carola, encore moins une Carola bleue/rouge/verte. Ni du condiment. Car, dans la « France de l’intérieur », ça n’existe tout bonnement pas. Vous imaginez : il existe un monde où il y a des boissons soit pétillantes, soit pas du tout, et il n’y a rien au milieu !? C’est fou.

Eux aussi ont des choses bizarres

Vous quittez la Fourberie, en Bretagne.

Dans le Grand Ouest, un village = un lieu-dit. Et pour le point central de cette commune, on parlera de bourg, voire de centre-bourg.

Autre bizarrerie, mais cette fois-ci dans la langue : le « tantôt » cher aux Normands, qui veut dire à la fois « bientôt » et « cet après-midi ». Et…euh…comment on sait lequel des deux c’est ? « C’est selon la phrase », m’affirment mes amis normands. Du coup, quand ils m’ont dit « on va au ciné tantôt », j’ai jamais su si c’était de l’après-midi qu’ils parlaient ou du lendemain. Et j’ai perdu tous mes amis normands.

Ne pas oublier que les jours fériés, chez eux…on bosse

(conversation véridique)

– Allo ma fille ?

– Maman ? Tu m’appelles à cette heure-là ? Tu ne travailles pas ?

– Bah non : c’est férié !

Oui enfin, c’est férié…en Alsace. Grâce au droit local, le Vendredi Saint et la Saint-Etienne (26 décembre) sont chômés en Alsace-Moselle. Exaltant quand tu bosses dans le coin. Rageant quand tu t’en vas.

(merci à @ludo_lux d’avoir relevé l’oubli des jours fériés dans mon article !)

Pour eux, la cigogne est un animal exotique

C’est tellement rare chez eux de voir ces oiseaux, que les journaux leur consacrent carrément un article quand ils en voient.

Vu dans l’édition « Ouest-France » de Redon (Ille-et-Vilaine, Bretagne).

Autant dire qu’on est pas prêt de voir ce panneau en dehors de l’Alsace…

Panneau posé à Munster.

Être courageux

Sortir de l’Alsace, c’est se préparer à voir des choses affreuses. Inhumaines. Intolérables : de la tarte flambée de Lorraine, des knacks qu’on a renommés « knackis » et qui sont toutes molles dans leur emballage de supermarché ou encore des rayons de charcuterie quasi vides.

Une photo TERRIBLE à regarder. A ne pas mettre devant tous les yeux.

Tentative de reproduction d’un « knack-pain-ketchup » servi lors des fêtes alsaciennes.

Si vous affrontez l’un de ces cas, ne cédez pas à la panique. Respirez profondément par le nez, puis expirez lentement par la bouche. Dix fois de suite. Et faîtes vous une session de vingT « ui » (et non « oui ») d’affilée pour vous redonner le moral.

Vous aussi, vous avez des conseils à donner aux Alsaciens qui veulent s’expatrier ? Les commentaires sont ouverts !

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Chippily, le pire blog de voyage au monde

Alsacienne qui a eu l’idée folle de s’expatrier. Aime les voyages insolites et les tartes flambées végétariennes. Maman du « Pire blog de voyage au monde ».

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